Le sucre est-il une drogue ?

La question revient régulièrement dans les médias et parmi les professionnels de santé : le sucre peut-il être considéré comme une drogue ? Si certaines études penchent en ce sens, la communauté scientifique reste divisée. En tant que nutrithérapeute spécialisée en perte de poids, je vous propose un éclairage sur les dernières recherches à ce sujet.
Pourquoi cette question est importante ?
La nourriture stimule le centre du plaisir dans le cerveau, tout comme l’alcool ou certaines drogues. Une étude devenue célèbre en 2008 montrait même que des rats préféraient l’eau sucrée à la cocaïne. De quoi alimenter l’idée que le sucre pourrait être addictif.
Mais selon deux méta-analyses récentes, cette hypothèse est à nuancer. Le sucre, tout comme d’autres aliments appétents, stimule la libération de dopamine, mais cela serait dû à son goût agréable plutôt qu’à un effet neurochimique propre, comme celui des drogues.
Le sucre, un cas à part ? Pas pour tous les chercheurs
Des chercheurs comme Serge Ahmed (CNRS, Bordeaux) soutiennent au contraire que le fructose, composant du sucre de table, aurait des effets proches de ceux des drogues. Il rappelle aussi que les drogues dites « dures » n’induisent pas systématiquement des symptômes de manque : le contexte psychologique joue un rôle clé dans l’addiction.
Ce que montrent les IRM du cerveau
Une étude publiée dans le journal Diabetes apporte des éléments nouveaux. Les chercheurs ont observé par IRM les réactions de 38 adolescents (14 minces, 24 obèses) après ingestion de glucose ou de fructose.
Résultats :
Chez tous, le fructose activait le striatum ventral, une zone clé du système de récompense.
Le glucose, lui, n’activait pas cette zone de manière significative.
Chez les adolescents obèses, les deux sucres inhibaient le cortex préfrontal (contrôle de soi), et stimulaient davantage les centres de la récompense.
La ghréline (hormone de la faim) baissait moins rapidement, contribuant à une sensation de faim prolongée.
Ces réactions anormales pourraient être dues à une consommation chronique de sucre, mais la question reste posée : sont-elles causées par l’obésité, ou par la surconsommation de sucre elle-même ?
Vers une dépendance réelle au sucre ?
Plusieurs études suggèrent que la consommation excessive de sucre pourrait modifier les circuits de la récompense dans le cerveau. Par exemple, une étude internationale menée dans 170 pays montre que le sucre contribue largement à l’augmentation mondiale de l’obésité.
Une autre étude de 2016 indique que l’excès de sucre diminue les récepteurs à la dopamine, comme le font certaines drogues. Cela pourrait expliquer des symptômes de sevrage, voire des états dépressifs.
Étude sur l’abstinence de boissons sucrées
Une étude parue en 2018 dans la revue Appetite a observé les effets de l’arrêt brutal des boissons sucrées chez 25 adolescents en surpoids (13-18 ans). Résultats après 3 jours d’abstinence :
Maux de tête
Baisse de motivation et de concentration
Envies fortes de sucre et de tabac
Sensation de mal-être
Un constat alarmant, alors que les boissons sucrées sont la première source de sucres ajoutés chez les jeunes et que leur consommation a quintuplé depuis les années ’50.
Quid des autres aliments ultra-appétents ?
Même si le sucre montre un potentiel addictif, il n’est pas seul. La « junk food » — aliments riches en gras, sel, additifs (glutamate, réaction de Maillard) — et même les boissons ‘light’ activent les mêmes circuits cérébraux du plaisir.
Quelle position adopter ?
L’OMS recommande de ne pas consommer plus de 25 g de sucres libres par jour, soit environ un verre de soda de 220 mL. En France, la consommation moyenne est de 94 g de sucres totaux par jour, un chiffre préoccupant.
Selon le Dr Robert Lustig (Université de Californie, auteur de « Sucre, l’amère vérité »), le sucre est bien addictif, mais son potentiel addictif reste faible, comparable à celui de la nicotine, loin des drogues dures. Le débat est donc loin d’être tranché.
À retenir pour votre bien-être global
Le sucre, notamment sous forme de fructose, pourrait favoriser un comportement addictif.
Les adolescents et les personnes obèses y semblent plus vulnérables.
La modération est essentielle : limitez les boissons sucrées, lisez les étiquettes, privilégiez les aliments complets.
Hava, votre nutrithérapeute
Sources :
- Benton, D. (2010) – Sugar addiction: the state of the science.
Westwater, M.L. et al. (2016) – Sugar addiction: the state of the science.
Ahmed, S. – CNRS
Robinson, T.E. & Berridge, K.C. – Incentive-sensitization theory of addiction.
Page, K.A. et al. (2013) – Fructose stimulates brain reward regions.
Basu, S. et al. (2013) – Relationship of sugar to obesity in 170 countries.
Gearhardt, A.N. et al. (2016) – Food addiction and reward neurocircuitry.
Falbe, J. et al. (2018) – Sugar-sweetened beverage withdrawal.